Souvenirs, souvenirs… C’est par un samedi matin frisquet du mois de janvier 1938, le 22 très exactement, que l’aventure de la Saint-Vincent Tournante a débuté à Chambolle-Musigny, en Côte de Nuits, à l’initiative de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin ; une messe, suivie du défilé des 6 sociétés de secours mutuel présentes ce jour-là, de quelques intronisations de vieux vignerons et d’un banquet (Chapitre) organisé par la Confrérie, au Château du Clos de Vougeot tout proche. Des débuts timides, mais la machine était lancée ; elle fit halte l’année suivante quelques kilomètres au sud, à Vosne-Romanée, et reprit après la guerre, en 1947 à Gevrey-Chambertin. Les 28 et 29 janvier, Couchey, en Côte de Nuits, organisera la 79ème édition d’une fête qui a bien changé depuis ses débuts.
1934, les vins de Bourgogne se vendaient mal
Le point de départ remonte au 16 novembre 1934, jour de la création de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin, à Nuits-Saint-Georges, par deux Nuitons, Camille Rodier et Georges Faiveley, accompagnés de leurs amis vignerons et négociants de la Côte de Nuits. Les vins se vendaient mal à l’époque, mais les fondateurs de la confrérie ont tout de suite compris qu’il ne fallait pas baisser les bras et parler, parler encore de la Bourgogne et de ses vins sur une idée de départ toute simple : “puisque les vins ne se vendent pas, buvons-les et invitons nos amis à les partager avec nous”. Les années 30, c’est toute une époque : celle de la création de la Paulée de Meursault, des débuts de la mise en bouteille à la propriété, ou encore de Gaston Gérard, le dynamique maire de Dijon et premier ministre du tourisme français.
Le premier Chapitre de la Confrérie eut lieu le jour de sa création, au caveau Nuiton (sous l’actuel cinéma pour celles et ceux qui connaissent Nuits-Saint-Georges). La Confrérie commencera d’organiser ses Chapitres au Château du Clos-de-Vougeot à la fin des années 30 (le Château était alors prêté par Etienne Camuzet, le propriétaire, maire de Vosne-Romanée et député de Côte-d’Or) avant de s’installer définitivement au Château dès novembre 1944 ; tous les chapitres de la Confrérie y sont aujourd’hui organisés.
Première en dehors de la Côte-d’Or en 1962, à Mercurey
Quelques années après sa création, la Confrérie eut donc l’idée de remettre en avant cette tradition des sociétés de secours mutuel (souvent baptisées sociétés de Saint-Vincent* mais pas toujours…) qui se réunissaient dans les villages autour d’un “repas de cochon”, pour en faire un événement collectif : la Saint-Vincent, mais “Tournante” était née. Le mot “Tournante” pris d’ailleurs rapidement une vraie dimension régionale, avec une première halte en Côte Chalonnaise, en dehors de la Côte-d’Or donc, dès 1962, à Mercurey, puis à Chablis, dans l’Yonne, en 1976 et finalement le Mâconnais en 2009.
La Saint-Vincent Tournante accueille aujourd’hui des dizaines de milliers de personnes, mais la fête actuelle ne constitue finalement que le résultat final (à ce jour…) de petites évolutions qui se sont “accumulées” au fil du temps. A Saint-Romain (Côte de Beaune), en 1964, furent ouverts les premiers caveaux destinés à faire déguster les vins du village. Quelques années plus tard, en 1971, à Rully (Côte Chalonnaise) apparait la première affiche officielle, ce qui marque le véritable point de départ d’une fête qui sort de son cadre local pour communiquer plus largement vers l’extérieur… jusqu’à atteindre les excès des années 90.
“Depuis un vrai travail de fond a été fait pour redonner à la fête tout son sens traditionnel et éducatif. C’est évidemment un outil de communication pour une appellation, mais on veut que les gens viennent pour apprendre, pour découvrir, pour déguster avec modération, mais certainement pas pour boire. En outre, le gigantisme n’est surtout pas recherché ; nous souhaitons qu’à l’avenir de petits villages viticoles puissent continuer d’accueillir la Saint-Vincent Tournante “, explique Arnaud Orsel, Conseiller d’Honneur de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.
Christophe Tupinier
* Saint-Vincent est comme chacun le sait le saint-patron des vignerons et aujourd’hui encore dans les villages viticoles, les sociétés de secours mutuel organisent la solidarité, l’entraide, entre vignerons ; quand l’un d’eux à un problème, ses collègues lui apportent leur l’aide.
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